Si passer du temps en nature est reconnu pour ses vertus apaisantes, tout le monde n’a pas la possibilité de s’y immerger régulièrement. Manque de temps, ressources limitées, conditions météorologiques extrêmes… les obstacles sont nombreux.
C’est là que les technologies émergentent, et notamment le métavers, un univers virtuel persistant en 3D, entrent en jeu. Ces technologies promettent des expériences immersives reproduisant le monde réel, et pourraient ainsi jouer le rôle de substituts à la nature.
Une étude menée par Elin A. Björling et al., intitulée « Effet d’un environnement VR basé sur la nature sur le stress chez les adolescents », a démontré une réduction temporaire du stress chez les participants ayant exploré des environnements naturels virtuels via un casque Oculus Go. Cependant, certains participants ont également perçu le caractère « artificiel » de l’environnement.
Dr Donna Z. Davis, directrice du Oregon Reality Lab à Portland et spécialiste de la thérapie par RV, nuance le propos. Elle souligne que nombreuses personnes ne sont pas encore à l’aise avec les casques VR et que le coût et le manque d’expériences de qualité freinent l’adoption massive de cette technologie.
Malgré l’évolution des casques et des gants haptiques, des problèmes de nausée et de « gueule de bois VR » persistent. Dr Davis voit toutefois un potentiel pour des besoins spécifiques : « Ces espaces peuvent être particulièrement bénéfiques pour les personnes isolées ou à mobilité réduite. Dans une étude, un participant a même déclaré que l’expérience lui avait sauvé la vie. »
Aux Émirats Arabes Unis, l’environnement réglementaire favorable et des infrastructures comme le dôme d’Al Wasl permettent de simuler des merveilles naturelles par le biais de la VR, de la réalité augmentée ou de la réalité mixte. Dubaï, quant à elle, s’est illustrée dans l’art « phygital » qui brouille la frontière entre le physique et le digital, offrant aux citadins des expériences multisensorielles immersives inspirées par la nature.
Les technologies immersives et l’informatique spatiale joueront un rôle clé dans la création d’environnements naturels virtuels reproduisant des paysages, des odeurs et des sons. L’apprentissage automatique, la photogrammétrie, la numérisation aérienne et la peinture numérique d’objets contribuent à la création de ces simulations. De la musique d’ambiance inspirée par la nature aux diffuseurs de parfum portatifs, tout est mis en œuvre pour renforcer l’authenticité de l’expérience. L’illusion d’incarnation permettrait même aux utilisateurs de percevoir leurs membres virtuels, par exemple en passant leurs gants haptiques à travers des brins d’herbe virtuels.
Cependant, la technologie peut-elle réellement reproduire l’expérience authentique d’une promenade en forêt ? Le cerveau humain est un réseau complexe de neurones qui déclenche des émotions par le biais de signaux électriques. Le métavers pourrait y parvenir s’il se basait sur des principes fondamentaux. Par exemple, notre cerveau interprète la constance des sons de la nature comme non menaçante.
De nouvelles initiatives de simulation de la nature mettent l’accent sur la précision scientifique. Le Dr Duncan J. Irschick, biologiste et directeur du « Digital Life Project » de l’université du Massachusetts à Amherst, et son équipe travaillent depuis 2017 à la création de modèles 3D scientifiquement précis d’animaux en danger. L’animation 3D d’une jeune tortue de mer verte ayant survécu à une attaque de requin est saisissante, même sur un écran 2D.
Le défi consiste à capturer la diversité géologique et biologique dans sa forme et sa fonction. « La diversité biologique est ahurissante », déclare le Dr Irschick. Des algorithmes de génération procédurale sont utilisés pour créer un feuillage authentique en introduisant un élément d’aléatoire dans la structure des arbres. D’autres techniques, comme le lancer de rayons, permettent de disséminer des détails procéduraux comme la mousse sur le paysage. L’apprentissage automatique permet de rendre compte de la texture de la végétation et des animaux, et d’appliquer une rigueur scientifique au comportement des organismes numériques.
Les utilisateurs, à l’image des joueurs réclamant des graphismes toujours plus riches, exigeront des expériences de nature virtuelle de plus en plus authentiques. « Je m’attends à ce que de plus en plus de personnes demandent des animaux plus réalistes. Dr Irschick poursuit : « Quand on dit ‘tortue de mer’, qu’est-ce que cela signifie ? Il existe plusieurs espèces de tortues de mer, adultes, juvéniles, femelles, mâles, de différentes races géographiques. Je pense que les gens se soucient de ces différences. »
Simuler la nature nécessite une grande quantité de données. L’équipe du Dr Irschick a créé des modèles 3D méticuleusement détaillés d’environ 100 animaux. Il estime que « d’ici quelques décennies, il existera une bibliothèque substantielle de modèles 3D d’animaux actuellement créés pour les jeux, la science et la recherche sur la conservation, qui constitueront les données de base pour l’apprentissage machine. » L’intelligence artificielle générative permettra de passer à l’échelle en apprenant des modèles et en construisant rapidement des modèles 3D diversifiés.
Mais au final, le cerveau humain réagira-t-il positivement ? Le Dr Hari Subramanian, professeur de neurosciences, expert en neuromodulation et leader d’opinion dans le domaine du comportement du cerveau, estime que c’est « hautement plausible ». Il déclare : « Une promenade virtuelle générerait une activité neuronale optimale, suscitant des sensations de soulagement et de revitalisation. »
Dr Subramanian pense que les gens cherchent à se détendre grâce aux jeux virtuels et au cinéma parce que leur cerveau est déjà soumis à une anxiété résiduelle. Le même principe s’appliquerait à la simulation de la nature dans le métavers, car une suspension volontaire d’incrédulité se mettrait en place.
Le métavers peut offrir une alternative intéressante pour ceux qui n’ont pas accès à la nature. Les technologies immersives et la précision scientifique croissante permettent de créer des expériences de plus en plus réalistes. Cependant, il est important de garder à l’esprit que le métavers ne saurait remplacer les bienfaits d’un contact authentique avec la nature.