Fusion inédite : le plus ancien joaillier du monde se lance dans les NFT
Beyer Watches & Jewellery, fleuron de l’horlogerie zurichoise fondée il y a 262 ans, bouscule les codes en se lançant dans l’univers des NFT. En avril 2022, la maison dévoilait la Time Warp Collection, une série de 30 montres virtuelles imaginées par quatre designers de renom. Une première mondiale pour un joaillier, témoignant de la volonté de Beyer d’embrasser la modernité.
Des montres virtuelles accessibles à tous
Soucieux de ne pas limiter cette collection aux seuls férus de cryptomonnaie, Beyer a permis l’achat des montres en Ethereum ou par carte bancaire. Les 100 premières pièces, proposées lors d’un « Genesis Drop » à 450 dollars, ont été écoulées en quelques minutes. Chaque acheteur recevait une « Mystery Watchbox » contenant un des 30 modèles, garantissant une surprise et stimulant la convoitise. Un second drop a eu lieu fin juin, proposant 382 NFT à 950 dollars.
Simon Husslein, le designer visionnaire
Parmi les quatre créateurs figure l’Allemand Simon Husslein, installé en Suisse et collaborant avec des marques prestigieuses comme Nomos, Braun ou Ventura. Il nous dévoile sa vision de ce projet novateur.
Monsieur Husslein, comment avez-vous abordé la conception de ces garde-temps virtuels ?
Mon premier réflexe a été d’imaginer une montre iconique, inaccessible dans la réalité. J’ai pensé à la montre du film Pulp Fiction, reçue par le personnage de Bruce Willis. Une scène culte. Ce modèle unique ne pouvait exister qu’en NFT. J’en ai développé une version digitale, ne modifiant que la couronne. Finalement, nous avons renoncé à la commercialiser, jugeant la scène trop guerrière.
Un de vos modèles, « Continuum », est composé d’un unique fil continu formant boîtier, bracelet, cadran et aiguilles. Est-ce réalisable concrètement ?
On pourrait l’imprimer en 3D, obtenant un objet semblable à une toile d’araignée. Mais cette montre n’a pas de mouvement ! C’est la force de ce projet : il brouille les frontières entre physique et digital. J’ai cherché à créer une montre impossible dans la réalité, une sorte de cocon tridimensionnel en fil unique. Et maintenant, elle existe. C’est la dimension conceptuelle qui m’intéresse.
Quels outils avez-vous utilisés ?
J’ai dessiné la « Continuum » directement en réalité virtuelle avec un casque VR. Le processus s’apparente à l’utilisation d’une souris et d’un clavier, mais en plus immersif. On peut se déplacer autour de l’objet grâce aux manettes, comme si on sculptait du bois ou de la pierre. Le logiciel utilisé, Gravity Sketch, est habituellement employé par les designers automobiles et produits.
Ces montres NFT sont-elles des objets 3D ?
Effectivement, elles sont conçues et réalisées en 3D. Cependant, la technologie actuelle de présentation des NFT est limitée. Les portefeuilles électroniques ne prennent pas en charge les fichiers 3D, seulement les images et vidéos. C’est pourquoi, chez Beyer, on les présente sous forme d’animations rotatives. On visualise ainsi clairement la montre sur un axe à 360 degrés.
Avez-vous pu conserver vos créations ?
J’ai un NFT de chacune des montres conçues pour Beyer lors du Genesis Drop. Elles sont stockées dans mon wallet MetaMask. En tant que créateur, je pourrais générer de nombreux autres NFT, mais celles de la collection Beyer revêtent un caractère unique en faisant partie d’une collection officielle.
Comment expliquez-vous l’intérêt des NFT à un public non initié ?
Les NFT s’inscrivent dans une mutation plus large : une migration partielle de notre identité du physique vers le digital. Tout comme on distingue les gens par leurs baskets, leurs montres ou leur manteau de fourrure, on exprimera de plus en plus son identité dans le monde virtuel. C’est déjà le cas sur Instagram, où l’on devine les passions d’un individu en fonction de son fil d’actualité. Le monde des NFT amplifiera et nuancera cette communication digitale. Posséder un NFT est une affirmation identitaire. Cela paraît absurde à ceux qui ne fréquentent pas l’univers digital, mais la génération biberonnée aux réseaux sociaux construit déjà son identité virtuelle, jouant dans des espaces virtuels avec des avatars personnalisés ou affichant des objets virtuels sur les réseaux sociaux. Ce monde va évoluer de l’intérieur. De plus en plus de personnes se familiariseront avec les NFT, et pas seulement les jeunes.
Faut-il abandonner ses baskets pour les exhiber sur son avatar dans le métavers ?
L’intégration possible des objets virtuels est infinie. Que vous emmeniez votre montre virtuelle à un concert virtuel ou que vous la placiez dans votre maison virtuelle, l’attrait d’un objet symbolisant une création exceptionnelle ou une marque prestigieuse fonctionnera aussi dans le digital. Il ne s’agit pas de savoir si une Rolex virtuelle remplacera une Rolex physique. Posséder un article Gucci numérique en tant que centième acquéreur, voire unique propriétaire, confère une exclusivité indéniable.
Beyer, un pied dans la tradition, un autre dans le futur
Beyer l’a compris : le métavers est en pleine émergence. Seuls quelques privilégiés fréquentent aujourd’hui ces mondes virtuels en 3D, mais il ne faudra pas attendre longtemps avant que l’on puisse travailler, apprendre, rencontrer des amis équipés d’un casque, et ce, en toute normalité. Ces expériences nous bouleverseront et feront naître des idées que nous ne pouvons même pas concevoir aujourd’hui. L’horloger zürichois, fort de son héritage, est en train de tracer un nouveau sillon dans l’histoire de la mesure du temps, en mariant tradition et innovation.