Avec l’explosion du métavers, qui compte aujourd’hui 400 millions d’utilisateurs, un défi se pose : comment taxer ce monde virtuel en plein essor ?
Le métavers est un monde virtuel dans lequel des millions de personnes passent leur temps de nos jours. Pour vous donner une idée de sa popularité, il y a actuellement environ 400 millions d’utilisateurs actifs dans le monde.
En 2021, le métavers était évalué à environ 58,5 milliards de dollars. Quelques années plus tard, les experts estiment que cette valeur pourrait atteindre le chiffre époustouflant de 1 500 milliards de dollars d’ici à 2030. Il ne s’agit pas seulement d’un endroit où l’on s’amuse et où l’on joue. Il est en passe de devenir un concurrent sérieux dans l’économie mondiale.
Face à cette croissance, une grande question se pose : Comment allons-nous inclure cette économie virtuelle dans nos systèmes fiscaux existants ? C’est un peu comme lorsque les achats en ligne sont devenus monnaie courante et que tout le monde s’est demandé comment gérer les taxes.
Une universitaire de Harvard, Young Ran (Christine) Kim, qui fait partie de l’équipe de la Benjamin N. Cardozo School of Law, a récemment fait part de ses réflexions dans un document de recherche, ouvrant ainsi la voie à une conversation sur les différentes façons d’aborder la fiscalité dans le métavers. Il s’agit de trouver comment mettre à jour nos politiques fiscales actuelles pour s’assurer qu’elles couvrent ce qui se passe dans ce monde numérique qui évolue rapidement.
Pourquoi le métavers doit-il être taxé ?
Alors, pourquoi y a-t-il un engouement pour la taxation du métavers ?
D’après les résultats de l’étude de Kim, il semble que nous puissions considérer le métavers comme un secteur d’activité comme un autre. Et comme tout autre secteur, il devrait faire partie de nos systèmes fiscaux existants.
Penchons-nous un peu plus sur le « pourquoi ». Cet argument en faveur de l’imposition du métavers n’est pas une simple idée lancée sur un coup de tête : il repose sur des théories et des perspectives bien établies en matière de réglementation.
Qu’il s’agisse d’entreprises qui réalisent des bénéfices, d’investissements qui génèrent des gains ou de personnes qui gagnent des récompenses dans cet espace virtuel, toutes ces activités sont assez similaires aux moyens reconnus de gagner de l’argent, tels que décrits dans la section 61 de l’Internal Revenue Code (un grand livre de règles pour les impôts américains).
Au-delà des théories, le document mentionne également le principe fondamental selon lequel les gouvernements ont le droit, ou plutôt le devoir, de taxer les activités économiques à l’intérieur de leurs frontières.
Selon l’étude, ce principe devrait également s’appliquer aux espaces virtuels animés du métavers. Ne pas exploiter les vastes recettes potentielles de ce secteur en plein essor pourrait signifier se priver d’une part importante de l’argent qui aurait pu être utilisé pour remplir le trésor du pays.
En outre, le document indique que la mise en place d’un système d’imposition approprié pourrait empêcher le métavers de devenir une sorte de paradis fiscal où les gens peuvent cacher des actifs ou des revenus pour éviter de payer des impôts.
En outre, l’introduction de la fiscalité dans le métavers pourrait être un outil puissant pour maintenir la transparence et la bonne information sur ses marchés financiers. Bien que nous ayons fait quelques progrès en soumettant les crypto-monnaies aux politiques fiscales du monde entier, il est grand temps d’adopter une approche plus large, comme le suggère la recherche.
Bénéfices et profits
Tout d’abord, parlons des suspects habituels : les revenus et les bénéfices. Tout comme dans le monde réel, les habitants du métavers peuvent gagner de l’argent grâce à leur salaire, aux bénéfices de leur entreprise et même aux dividendes. Mais ici, les gains peuvent être un peu différents, puisqu’ils prennent la forme de biens virtuels ou de crypto-monnaies.
Pour faire le lien avec les méthodes actuelles d’imposition aux États-Unis, l’Internal Revenue Service (IRS) classe déjà les crypto-monnaies dans la catégorie des biens, ce qui signifie qu’elles sont soumises aux règles de l’impôt sur les plus-values lorsqu’elles sont vendues ou échangées. De même, ces directives pourraient être étendues à divers actifs numériques du métavers, établissant ainsi un lien tangible entre les gains virtuels et les implications fiscales dans le monde réel.
Cette question de l’argent numérique pose toutefois un problème. Déterminer la valeur exacte de ces actifs peut s’avérer une véritable montagne russe en raison de leur nature changeante. L’article suggère que le système fiscal américain pourrait être amené à développer des approches dynamiques proches de l’imposition à la valeur de marché. Dans cette stratégie, les actifs sont imposés sur la base de leur valeur de marché à la fin de l’année fiscale afin d’évaluer équitablement la valeur des transactions et des avoirs du métavers.
De plus, il n’est pas toujours facile de convertir ces actifs numériques en argent liquide. Mais, selon l’étude, nous pouvons toujours utiliser les règles fiscales existantes comme point de départ pour naviguer dans ces eaux.
Pour contourner ces difficultés, l’une des idées avancées dans le document est d’introduire des taxes payées en nature, c’est-à-dire des taxes payées avec des biens ou des services plutôt qu’en espèces. Dans le métavers, cela pourrait signifier l’utilisation d’actifs numériques ou de services disponibles dans cet espace pour payer ses impôts.
En faisant le parallèle avec les transactions de troc aux États-Unis, qui sont soumises à des implications fiscales, des principes similaires pourraient être appliqués aux transactions effectuées dans le métavers, ce qui contribuerait à créer une structure fiscale équilibrée et équitable qui s’intégrerait de manière transparente dans les cadres existants.
Actifs créés ou améliorés par l’individu
Le métavers est un terrain propice à la créativité, les utilisateurs créant ou améliorant des actifs numériques, qu’il s’agisse de fabriquer des armes virtuelles ou de personnaliser des jetons numériques uniques connus sous le nom de jetons non fongibles (NFT). Les NFT sont actuellement soumis à une taxe de 28 % sur tous les gains réalisés. Toutefois, le reste des actifs numériques n’est pas défini.
L’article suggère que le métavers pourrait être une arène où une nouvelle catégorie de revenus imputés émerge, provenant des actifs numériques que les utilisateurs créent ou améliorent. Un revenu imputé est un type de gain économique qui se produit lorsque des personnes utilisent leurs propres ressources ou services à des fins personnelles. Jusqu’à présent, l’imposition de ce type de revenus a été évitée, principalement parce que la détermination de la valeur et le suivi de l’ensemble peuvent être un cauchemar.
Cependant, le métavers pourrait changer la donne, en facilitant l’évaluation et le suivi instantanés de ces activités, ce qui pourrait ouvrir la porte à de nouvelles opportunités fiscales, en particulier sur les propriétés virtuelles qui ont une valeur marchande claire.
Il s’agit là d’un changement important par rapport à la norme, qui nécessite donc de nombreuses discussions afin de déterminer la manière la plus efficace de le mettre en œuvre. Cela impliquerait des dialogues multipartites impliquant des décideurs politiques, des experts fiscaux et des représentants de l’industrie, afin de garantir une approche équitable et réalisable de la fiscalité dans le métavers.
Récompenses
Passons maintenant aux récompenses, un élément crucial pour garder les utilisateurs accros au métavers. Il s’agit de choses comme les butins que les joueurs obtiennent pendant les parties. Bien qu’elles soient très attrayantes, elles constituent également un véritable casse-tête fiscal.
La recherche suggère que ces récompenses virtuelles, qui ont une valeur réelle, devraient techniquement être taxées dans certains scénarios. La grande question est toutefois de savoir quand et comment les taxer.
Grâce aux capacités de suivi numérique du métavers, il pourrait être possible d’imposer immédiatement ces récompenses, ce qui contribuerait à garantir l’équité et à éviter l’évasion fiscale. Notez que les récompenses aux États-Unis ne sont généralement pas imposables, mais que les récompenses dans le métavers peuvent être une extension.
Gains non réalisés sur les actifs virtuels
Enfin, nous abordons le sujet délicat des gains non réalisés dans le métavers. Les gains qui ne sont que « sur le papier » sont appelés gains non réalisés. Actuellement, la législation n’impose ces gains que lorsqu’ils sont réalisés, c’est-à-dire lorsqu’ils sont convertis en espèces ou utilisés pour acheter quelque chose. Toutefois, cette approche n’est peut-être pas la mieux adaptée à l’univers fluide et en évolution rapide des actifs virtuels.
Une autre solution consisterait à passer à un système dans lequel ces actifs seraient taxés sur la base de leur valeur de marché à la fin de chaque année, ce qui donnerait une image plus précise de la situation financière d’une personne.
L’article suggère fortement que la nature unique du métavers pourrait permettre cette imposition immédiate, bouleversant ainsi le paysage fiscal traditionnel et ouvrant une nouvelle ère dans le monde de la fiscalité.
Où les impôts doivent-ils être perçus ?
Abordons maintenant l’éléphant dans la pièce : comment taxer cet univers virtuel tentaculaire appelé métavers alors qu’il n’a même pas d’adresse physique. Les choses s’enchevêtrent lorsqu’il s’agit de déterminer où se déroulent exactement ces transactions et qui doit les superviser. Examinons quelques stratégies potentielles évoquées dans l’article.
La grande question est de trouver le meilleur endroit pour collecter les impôts dans les métavers. Une idée consiste à utiliser l’emplacement des serveurs (en gros, les ordinateurs où toute l’action virtuelle est hébergée) comme substitut du lieu où se déroule l’activité commerciale.
Mais cette solution n’est pas infaillible, car les gens peuvent jouer avec l’emplacement des serveurs pour bénéficier de taux d’imposition plus bas, même s’il y a des limites à cela en raison de la nécessité d’un transfert de données rapide.
Une autre suggestion est de regarder où les propriétaires de la plateforme sont basés. Cette solution semble plus stable, mais elle soulève des inquiétudes quant à l’attribution d’un pouvoir fiscal trop important à certains endroits, ce qui pourrait modifier l’équilibre économique dans ces régions.
Il y a aussi l’idée de localiser les utilisateurs grâce à leur adresse internet, mais là encore, les utilisateurs peuvent la masquer ou utiliser des réseaux virtuels pour donner l’impression qu’ils sont ailleurs, afin de bénéficier de taux d’imposition plus avantageux.
Le document suggère que nous avons besoin d’un système flexible capable de faire face à ces complications, y compris de traiter équitablement et efficacement les nomades numériques et les personnes ayant des domiciles dans plusieurs endroits.
Comment s’assurer que les règles sont respectées ?
Après avoir déterminé où la taxe doit être collectée, l’étape suivante consiste à s’assurer que les règles sont respectées. Les premières discussions font état d’une règle selon laquelle l’argent gagné grâce aux jeux en ligne au-delà de 600 dollars par an devrait être déclaré à l’aide d’un formulaire spécifique, mais uniquement lorsque le revenu est converti en argent réel.
Mais ce document de recherche propose de voir plus grand et de garder trace de l’argent qui n’a pas encore été retiré des métavers. Il est question d’utiliser un système de déclaration des transactions du grand livre unifié (ULTRA) pour gérer ce type d’impôt, ce qui constitue une approche moderne face à la nature en constante évolution des actifs virtuels.
Pour assurer la collecte de ces taxes, deux voies principales sont envisagées. La première consiste à confier la responsabilité aux plateformes de métavers elles-mêmes, en leur demandant d’envoyer les taxes directement à l’IRS, ce qui permettrait de réduire les erreurs et l’évasion fiscale. Cette solution s’intégrerait parfaitement au système actuel d’imposition à la source, ce qui rendrait les choses plus fluides et plus faciles à gérer.
D’un autre côté, le fait de lier l’impôt au lieu de résidence des utilisateurs complique un peu les choses, mais s’intègre parfaitement au processus actuel de déclaration d’impôts, offrant ainsi un moyen simple de transmettre des informations fiscales aux utilisateurs.
En résumé, construire une structure fiscale robuste pour les métavers n’est pas une mince affaire. Elle nécessite un plan polyvalent qui ne se contente pas de déterminer les bons endroits pour collecter l’impôt, mais qui renforce également les mécanismes permettant d’assurer le respect des règles, à l’image du paysage complexe et en constante évolution du métavers lui-même. C’est une conversation qui ne fait que commencer, avec des efforts continus pour mettre en place un système juste et efficace, garantissant un avenir radieux à la frontière numérique.