Le prestigieux Festival de Cannes, qui débute cette semaine, a ajouté la réalité étendue (XR), regroupant la VR, la RA et d’autres variations de l’informatique spatiale, comme catégorie et compétition officielle. Cannes a été un des premiers à soutenir la VR et a présenté en 2017 l’expérience VR de Carne y Arena d’Alejandro G. Iñárritu, qui a remporté un prix spécial. Cannes rejoint désormais les festivals de Venise, de Tribeca et SXSW, qui incluent des expériences XR depuis 2016.
Huit œuvres ont été sélectionnées pour la toute nouvelle Compétition Immersive, dont six expériences pouvant accueillir plusieurs utilisateurs simultanément, s’attaquant ainsi au problème le plus courant des expériences VR dans les lieux publics : le débit. La prolifique société française de production VR Atlas V, primée à de nombreuses reprises et responsable d’œuvres révolutionnaires telles que « Notes on Blindness », « Battlescar » et « Spheres », se voit honorée par une rétrospective de six de ses expériences VR.
En amour est une installation audiovisuelle interactive sur l’amour et la séparation, créée par le studio français Adrien M & Claire B. En dehors du Festival de Cannes, elle a été exposée à la Philharmonie de Paris avec une capacité de 40 personnes par spectacle, soit 44 représentations ou 1760 personnes par semaine à pleine capacité – un modèle plus susceptible d’atteindre le seuil de rentabilité que les expériences traditionnelles basées sur des casques immersifs.
Il y a aussi EVOLVER, une expérience VR et une séance de méditation qui place le public à l’intérieur du corps humain,suivant le flux d’oxygène. Jusqu’à six personnes peuvent en faire l’expérience simultanément. EVOLVER a déjà été exposée à Séoul, Varsovie et en Australie. L’œuvre implique des poids lourds, dont Pressman Film, Cate Blanchett (voix-off) et sa société de production Dirty Films, le géant des télécommunications Orange, Marshmallow Laser Feast et Atlas V, ainsi que des artistes comme Jonny Greenwood et Jon Hopkins qui ont travaillé sur la musique de l’œuvre. Elle a dû coûter une fortune.
MAYA: The Birth of a Superhero raconte le passage à l’âge adulte d’une jeune fille sud-asiatique et l’éveil de sa sexualité.Les créateurs Poulomi Basu et CJ Clarke ont décidé de s’appuyer sur les caractéristiques les plus claustrophobes et isolantes de la réalité virtuelle, ainsi que sur son pouvoir d’incarnation, pour vous mettre dans la peau de la protagoniste.L’utilisation de techniques narratives innovantes basées sur la technologie disponible est un élément de base de la Nouvelle Vague française, où l’expérimentation était privilégiée aux conventions cinématographiques traditionnelles. Cela signifie que Cannes pourrait être l’endroit où l’on découvre les futures légendes des œuvres immersives, comme Godard ou Truffaut dans le cinéma.
TELOS I de Dorotea Saykaly et Emil Dam Seidel est une pièce holographique sur une IA explorant son identité dans un monde où les humains ont disparu. Il s’agit d’une première mondiale, aux côtés de HUMAN VIOLINS – PRELUDE, une pièce interactive pour six personnes à la fois sur l’Holocauste, suivant l’histoire fictive d’Alma, une jeune violoniste. Nous avons déjà vu cette pièce dans des festivals comme Venise, mais c’est la première fois qu’elle est présentée en mode multijoueur. Elle est signée par la scénariste et réalisatrice roumaine Ioana Mischie.
La seule expérience de réalité augmentée est COLORED, qui vous emmène dans l’Alabama des années 1950 où vous découvrirez l’histoire de Claudette Colvin, une héroïne oubliée du mouvement des droits civiques. Les réalisateurs Stéphane Foenkinos et Pierre-Alain utilisent le HoloLens pour faire entrer des personnages historiques dans notre espace physique, pour avoir des gens fantomatiques qui vous entourent dans une histoire sur ce que signifie être humain.
The Roaming, réalisé par Mathieu Pradat, traite de la violence et de la solidarité. Elle se démarque également dans sa catégorie en étant la seule expérience avec des acteurs en direct. Cela pourrait être un format intéressant à Cannes, où les acteurs et les réalisateurs sont les stars du spectacle.
Enfin, Traversing the Mist, qui vient de remporter le Grand Prix du Jury au NewImages Festival de Paris, est une expérience VR basée sur un lieu précis et traitant de la culture gay, du voyeurisme et de la solitude. Les visiteurs incarnent un jeune Taïwanais et s’aventurent dans un sauna gay.
Les œuvres en compétition peuvent accueillir de 3 à 25 personnes par expérience, pour une exposition collective d’environ 542 personnes par jour. C’est une paille par rapport au cinéma, mais il ne faut pas oublier que le cinéma, tout comme la XR, était autrefois une forme d’art et un média émergents.
« La raison d’être du Festival de Cannes est de présenter le meilleur du cinéma afin de contribuer à son évolution et d’encourager le développement de l’industrie cinématographique mondiale. À long terme, nous voulons obtenir le même résultat pour les œuvres immersives que nous exposons, et la distribution est indéniablement l’un des principaux défis »,déclare Thierry Frémaux, Délégué général du Festival de Cannes.
Le cinéma a transformé la culture à une certaine époque. Aujourd’hui, la XR est la nouvelle vague de la narration. Il est important que Cannes soutienne ce média avec son influence, et bien que ce ne soit pas la première fois que la XR soit présentée au festival, c’est la première fois qu’une compétition officielle est créée avec sa propre cérémonie de remise de prix.
« Si l’objectif est de souligner que l’art immersif est distinct de l’art cinématographique, alors notre message doit être cohérent. Il est important d’éviter que les œuvres immersives n’apparaissent comme un genre ou une extension du cinéma lors de la cérémonie de remise de prix des œuvres cinématographiques. Nous aimerions également faire un autre pari en organisant un événement dédié où le média est célébré et où les artistes immersifs sont les véritables stars de la cérémonie », déclare Elie Levasseur, Directeur de Projet de la Compétition Immersive.
« L’ouverture d’une compétition officielle pour la XR par le Festival de Cannes signifie que nos années d’exploration,mêlant récits et technologies immersives, mènent quelque part. Nos histoires sont remarquées et portées à l’attention de nouveaux publics par le festival le plus prestigieux du monde. C’est un moment très particulier pour la communauté XR »,déclare Fred Volhuer, cofondateur d’Atlas V.
Dans le cadre de l’exposition, six œuvres non compétitives et for plupart plus anciennes fournies par Atlas V sont présentées dans un format muséal, notamment Spheres (2017), Missing Pictures (2022), Notes on Blindness (2016),Emperor (2023), Battlescar (2020) et Gloomy Eyes (2019). L’objectif est de montrer comment le média a évolué pour informer le public du festival, dont une grande partie découvrira la XR pour la première fois.
Lorsque les portes de la Compétition Immersive s’ouvriront officiellement le 15 mai, un nouveau chapitre s’écrira pour le Festival de Cannes, dans un nouveau média. Le rôle d’Elie Levasseur, Directeur de Projet de la Compétition Immersive,est de montrer qu’ils peuvent y parvenir, en s’attaquant d’abord aux difficultés de croissance d’un média émergent en identifiant de grandes œuvres (tout comme le rôle de Cannes dans le cinéma), puis en utilisant la puissance de son projecteur pour soutenir la commercialisation.