Un vrai-faux métavers – Au cours de notre Meta-Hebdowe, nous avons régulièrement analysé l’intérêt croissant des géants du Web 2de l’Internet tel qu’il est aujourd’hui, pour le métaverse. Monopolisant tout son concept, quitte à en détourner les principes fondamentaux, Meta, Microsoft, Sony et bien d’autres ont jeté leur dévolu sur ce monde virtuel, pendant de notre réalité.
Décentralisationinteropérabilité, liberté économique des utilisateurs sont donc autant de principes bafoués par ces géants financiers qui balaient ces problématiques essentielles grâce à la création de lieux centralisés et fermés. Dans son rapport Metaverse Sector Reportt l’analyste Max Shannon pointe du doigt les failles de ces multiples faux métavers à devenir.
D’emblée, dans son rapport, l’auteur définit le métavers tel que nous pouvons le voir aujourd’hui. Il est clair que deux définitions du concept s’opposent. Peu enthousiaste, l’auteur déplore ainsi à juste titre le développement d’un métavers vu comme un espace social, une extension de l’Internet tel que nous le connaissons dans un espace en 3D. plusieurs mondes virtuels, hermétiques les uns aux autres, exacerbés par un recours massif à la publicité.
A cela s’oppose alors, la définition du métavers en concept. Il a été mentionné pour la première fois par Neal Stephenson dans son roman Snow Crash en 1992. Interconnecté, unique, propre à tous : autant de principes qui ont construit la définition du métavers bien avant la création de la blockchain et de son roi : le bitcoin.
Affinée par les technologies du Web 3, la notion de métavers en son sens propre est alors d’être un espace de libre échange. Son économie, ses transactions et ses interactions sont maîtrisées et dirigées par ses utilisateurs. Le métavers ne serait donc en aucun cas un jeu ou une application : il serait bien plus.
Un métavers qui inquiète les futurs utilisateurs
Les géants de la Big Tech, épuisés par les progrès du Web 2, ont donc redéfini le métavers. Ils leur ont facilité la tâche en oubliant certaines des questions soulevées par les utilisateurs. Selon certaines données, ces derniers sont réfractaires, inquiets et peu intéressés par la version proposée par les GAFAM.
Les données Google Trends en sont alors les témoins. L’intérêt du métavers sur le géant des moteurs de recherche est, presque, inexistant. Le nombre de mentions recueillies n’est pas plus étonnant. En creux, le metaverse ne semblerait être porté que par l’affection moindre, mais néanmoins existante, des utilisateurs pour le NFT.
Le rapport explique ce manque d’enthousiasme du public par un panel de 4 420 adultes américains. En effet, à la question à choix multiple : « Quelles sont vos préoccupations concernant le métavers », les résultats sont les suivants :
35% pensent que le metavers aura un impact sur la santé mentale ;
37% pensent qu’une modération pour éviter les dérives comportementales sera nécessaire ;
38% craignent le harcèlement sexuel dans le métavers ;
39% craignent pour leur sécurité personnelle
44% craignent une cyberattaque ;
55% ne sont pas confiants quant au sort de leurs données personnelles (peur de l’usurpation d’identité par exemple).
Le métavers : des inégalités d’investissement
A la crainte des utilisateurs potentiels s’ajoutent les disparités géographiques. Véritable obstacle à une adoption globale du concept, les levées de fonds sont représentatives d’un engouement disparate pour les métavers. Les données du rapport soulignent ainsi que l’entrepreneuriat aux Etats-Unis concernant le métavers est 3,54 fois plus élevé que celui de l’Asie.
Maître du monde virtuel, les capital-risqueurs et autres investisseurs iAméricains détiennent ainsi plus de la moitié des entreprises dites du Web 3. Ces disparités posent question, d’autant plus qu’elles ne correspondent pas forcément aux disparités propres à l’adoption des crypto-monnaies. Par exemple, l’Amérique du Sud, généralement favorable aux crypto-monnaies, reste peu sensible aux métavers.
Un métavers qui n’existe pas en réalité
Si l’on déplie la pensée du rapport, on peut alors comprendre que le métavers proposé par les GAFAM et autres géants de la BigTech n’est que la continuité d’une politique de croissance recherchant le profit maximum. Aussi, le développement des casques virtuels créés par Meta est une opportunité et une possible fortune importante vu le nombre d’utilisateurs sur Facebook par exemple.
Cette conception du métavers est la » voie la plus rapide » pour proposer un métaverse bâclé, véritable trompe l’œil de notre réalité. En effet, l’approche centralisée des métavers telle que proposée dans Horizon World de Meta ou Roblox ignore les avantages de la décentralisation.
Le discours de Max Shannon peut alors être comparé à celui de Vitalik Buterin qui déplorait sur Twitter cette semaine, un non-métavers dominé par les géants du Web 2 :
Une réglementation mi-figue, mi-raisin
Le rapport rappelle également que la réglementation est en retard sur l’évolution des technologies et que cette dernière a été dépassée par les géants du Web 2. Le seul rôle que la réglementation s’est donc donné à l’heure actuelle n’est donc pas d’éduquer, mais de protéger les consommateurs. Les réactions de la SEC et du gendarme financier international face à l’affaireTerra Luna en sont l’exemple flagrant.
En ce qui concerne le métavers, certains gouvernements commencent également à se lancer dans l’autre monde. Le département de la régulation numérique à Dubaï, VARA, véritable gendarme du métavers s’est installé dans le Sandbox. Programme politique à part entière dans la société dubaïote, le métavers est devenu un véritable enjeu économique et politique.
Le Centrafricain, avec sa monnaie Sango et le métavers qui l’accompagne voit dans le Web 3 une opportunité économique. Il lui offrirait l’indépendance et la liberté financière. Les approches gouvernementales, isolées et intéressées n’offrent cependant pas un métavers ouvert.
Propriété et vie privée
La notion de propriété privée, la preuve de son existence et le contrôle de sa sécurité sont également essentiels. Elle permet aux utilisateurs du métavers d’évoluer dans un cercle de confiance. Les NFT y ont une place essentielle.
Preuve de propriété inviolable, le jeton non fongible répond à la question de la propriété et de l’identité. avatar réel, représentation virtuelle de votre ego, ce dernier peut être fidèle à vous-même, à votre image. Inversement, il peut être l’image de ce que vous voulez être – ou de ce que vous ne pouvez pas être – dans la réalité.
Les NFT sont cependant sujets à des arnaques et autres escroqueries qui nous rappellent trop l’importance d’être prudent dans cet écosystème. L’insécurité liée à la propriété est alors un frein à l’adoption de cette technologie. Le métavers fermé permet d’assurer facilement la sécurité des utilisateurs.
L’interopérabilité de la blockchain : Le talon d’Achille du métavers
Aussi, pour pouvoir dépasser la définition du metavers proposée par les géants du Web 2, le rapport de CoinShares souligne les progrès nécessaires que nous devons réaliser sur la communication et le support des blockchains entre elles : c’est l’interopérabilité. Ce progrès permettrait alors des transactions, des échanges et des relations sociales dans un seul métavers. MetaMask, Animoca Brands, The Sandbox et bien d’autres travaillent au développement de mondes interopérables.
Cependant, les ponts, les passerelles d’une blockchain à l’autre permettant cette interopérabilité portent pour l’instant le bonnet d’âne. Comme l’explique le dernier rapport publié par Chainalysis, ils constituent l’un des principaux problèmes de sécurité d’un protocole. Le piratage historique du Ronin ChainWormhole, et le récent piratage de la blockchain Harmony n’en sont que des exemples accablants.
Cryptocurrencies et monétisation : Une adoption lente de la blockchain
Il faut donc comprendre que la conception d’un métavers tel qu’il devrait être, rendu possible par la blockchain, prendra du temps. le scepticisme des investisseurs accompagné d’un hiver crypto rigoureux peut décourager. Face à l’impossibilité d’un métavers ouvert et accessible à tous, certains proposent des issues favorables au développement d’un espace d’échange décentralisé et interopérable. Les solutions de demain sont peut-être entre leurs mains.
Le rapport prend alors pour exemple l’ENS, Ethereum Name Service, véritable passerelle nominative sur la blockchain Ethereum, vendue à prix d’or. Ils ont, en effet, le vent en poupe. Ils permettent de déterminer une propriété plus large que la seule NFT.
D’ailleurs, le succès de certains métavers émergents, nous pensons par exemple à The Sandbox, est corrélé aux crypto-monnaies. Le métavers englobe alors tout un écosystème. La possession du token de gouvernance permet ainsi de participer aux décisions importantes pour l’écosystème du métavers.
On peut alors se demander si le métavers tel que nous le connaissons ne représente pas l’agonie d’un Web 2 qui tente de survivre. Précoce, encore inconnue, l’idée d’un monde virtuel intrigue. Elle en effraie aussi certains, dégoûtés de voir des marques comme Carrefour s’installer dans le monde virtuel. Le constat est alors amer : la lente adoption de la blockchain permettra d’offrir un métavers proche de sa vérité. Quelle forme aura-t-il ? Comment les problèmes d’interopérabilité et de sécurité seront-ils surmontés ? Face à une équation comportant autant d’inconnues, une seule certitude persiste : le métavers de 2022 ne sera pas celui de 2035.