Le terme « métaverse » a été inventé par Neal Stephenson dans son roman de science-fiction « Snow Crash » en 1992. Depuis lors, les protagonistes de livres et de films de science-fiction enfilent des lunettes de réalité et pénètrent dans le métaverse (ou son interprétation par l’auteur) pour échapper à leur réalité.
Ce type d’évasion est désormais accessible en dehors du domaine littéraire ou cinématographique pour quiconque possède un simple téléphone portable, même si pour en vivre l’immersion, il est recommandé d’utiliser un casque de réalité virtuelle ou des lunettes intelligentes à réalité augmentée.
Plusieurs entreprises ont maintenant investi des milliards de dollars pour assurer leur présence dans le métalieu. La plus notable d’entre elles est Facebook, qui s’est ensuite rebaptisée « Meta » en octobre 2021 dans le but de créer un environnement virtuel pour sa plateforme de médias sociaux. D’autres entreprises telles que Microsoft et Google ont depuis suivi. Le métaverse est souvent décrit comme un « royaume imaginaire » partagé, accessible grâce à des équipements de réalité virtuelle. Ses créateurs et investisseurs espèrent qu’il deviendra éventuellement un écosystème numérique où les individus, par le biais de leur représentation virtuelle (un avatar), pourront vivre une réalité virtuelle ou augmentée. Dans sa forme actuelle, le métaverse n’est pas une entité unique. On peut plutôt le décrire comme une multitude de plates-formes créées par des entreprises et d’autres entités offrant aux utilisateurs divers degrés d’immersion en ligne et hors ligne.
Certaines versions du métaverse comprennent des « jumeaux numériques », qui permettent aux utilisateurs de vivre une représentation d’une entité hors ligne avec un degré élevé de précision en temps réel. Le « jumeau numérique » d’INTERPOL n’est pas une invention aussi révolutionnaire qu’il n’y paraît, car divers « jumeaux » habitent déjà le métaverse depuis un certain temps. Par exemple, le gouvernement métropolitain de Séoul en Corée du Sud a lancé un projet pilote pour créer une version virtuelle du bureau du maire, qu’il espère rendre pleinement opérationnelle d’ici 2026. La société basée à Singapour VIZZIO Technologies a créé le plus grand « jumeau numérique » en « clonant » la nation de Singapour, dans l’espoir de l’utiliser pour améliorer la durabilité environnementale à l’avenir.
Le « jumeau numérique » d’INTERPOL est la première expérience de ce type conçue spécifiquement pour les forces de l’ordre. Meta-INTERPOL se limite pour le moment à un « clone » du siège de l’organisation à Lyon, en France ; les utilisateurs peuvent, grâce à des casques de réalité virtuelle, visiter les bureaux virtuels d’INTERPOL et se connecter avec d’autres professionnels de l’application de la loi. La plateforme proposera également des activités de formation immersive pour différents travaux de police, notamment les enquêtes judiciaires, la vérification des documents de voyage et le contrôle des passagers, et permettra à leurs stagiaires de s’exercer à un poste de contrôle virtuel aux frontières. INTERPOL a déclaré que sa plateforme était « pleinement opérationnelle » et accessible aux utilisateurs inscrits via le Cloud sécurisé d’INTERPOL. Pour autant que nous le sachions, il n’est pas encore possible pour des non-professionnels de l’application de la loi de visiter virtuellement le siège métaverse.
La présence métaverse d’INTERPOL est sans aucun doute une réponse à l’augmentation constante de la cybercriminalité, y compris les crimes commis dans le(s) métaverse(s). L’idée derrière cette plateforme est de créer un espace de formation et de communication qui, à l’instar d’INTERPOL dans la vie réelle, vise à promouvoir l’assistance mutuelle et la coopération, ainsi qu’à offrir une formation et un soutien d’enquête à ses membres.
Sans surprise, meta-INTERPOL ne s’est pas positionné pour assurer la police du métavers. De même, bien que les forces de police de Norvège et de France, pour n’en citer que quelques-unes, aient déjà une présence en ligne sur les réseaux sociaux et les plateformes de jeux et de streaming, aucune ne s’est aventurée dans le métavers.
Cela ne signifie pas pour autant que cela n’ait pas été envisagé. Le récent rapport d’EUROPOL intitulé « Policing in the metaverse: what law enforcement needs to know » souligne le niveau élevé de menace que représentent les activités dans le métavers : fraude d’identité, crimes financiers, harcèlement et abus et exploitation des enfants, terrorisme, ainsi que désinformation et mésinformation. Comme réponse recommandée, EUROPOL préconise aux agences de l’application de la loi de commencer à acquérir de l’expérience dans l’établissement d’une présence en ligne, mais évite de formuler des recommandations concrètes sur l’entrée des forces de l’ordre dans le métavers.
Il convient de se demander s’il existe réellement un besoin de police virtuelle à ce stade. En ce qui concerne les infractions virtuelles dans le métaverse, la loi, du moins au Royaume-Uni, peut s’appliquer aux métavers. De même, les problèmes de compétence juridictionnelle posés par le fait que les plaignants potentiels et les prévenus sont basés dans différentes juridictions ne devraient pas constituer des obstacles insurmontables à des poursuites judiciaires. La police dans la vie réelle devrait, du moins en théorie, être capable d’enquêter sur des infractions virtuelles, en particulier si elle suit les recommandations d’EUROPOL en restant au fait des évolutions dans la sphère cybernétique et en développant l’expérience nécessaire pour répondre aux changements rapides du monde virtuel.
Il reste à voir si la décision d’INTERPOL de mettre des « bottes métavers » sur le « sol métavers » constitue la première étape vers unepolice métaverse. Bien qu’il soit encore hypothétique de créer une véritable force d’enquête entièrement virtuelle, il est important de rappeler que le temps ne fait pas de pause, et les crimes métaverse non plus. Avant que des agents de police avatars ne patrouillent dans les rues du métaverse, les agences de l’application de la loi doivent continuer à s’adapter à l’estompage des frontières entre mondes réel et virtuel, et veiller à ce que leurs techniques soient suffisamment solides et réglementées pour faire face à l’évolution rapide de la criminalité en ligne.