Un livre à lire : l’Internet du futur vu à travers des lunettes roses

D’un style académique, d’un ton super-optimiste, le livre de Bernard Marr fait ressortir quelques maladresses mais aussi de nombreuses idées qui méritent d’être prises en considération.

« Vos scientifiques étaient tellement préoccupés par la question de savoir s’ils pouvaient ou non, qu’ils ne se sont pas arrêtés pour réfléchir à la question de savoir s’ils devaient le faire ». C’est ce que dit Ian Malcolm, le personnage de Jeff Goldblum, à propos du clonage des dinosaures dans Jurassic Park. Alors que la technologie est appelée à devenir encore plus inextricablement liée à la vie quotidienne, il serait peut-être sage de réfléchir à ce que nous devrions faire et à ce que nous pouvons faire.

Dans ce livre, Bernard Marr explique en détail comment deux innovations majeures (qui en sont déjà à leurs débuts) vont radicalement transformer l’internet et nos vies : le Web3 et le métavers : Le Web3 et les métavers. Le Web3 sera la prochaine itération de l’internet, utilisant les blockchains, les jetons non fongibles (NFT) et les crypto-monnaies. Le métavers, tel qu’on le voit dans des films comme Ready Player One, est une version 3D immersive de l’internet à laquelle on accède par la réalité virtuelle (RV).

Mais tous ces progrès technologiques sont-ils vraiment synonymes de progrès sociétal ? Pour Marr, la réponse est un oui retentissant. Comme David Chalmers dans son passionnant traité philosophique Reality+, publié l’année dernière, Marr ne pourrait pas être plus enthousiaste quant aux perspectives d’avenir de l’internet.

Dans une section consacrée aux rencontres dans le métavers, par exemple, il s’extasie à l’idée que vous pourrez impressionner votre partenaire en faisant de votre avatar un joli lapin ou un stormtrooper, comme s’il s’agissait d’autre chose que d’un paysage dissocié de l’enfer.

Après une pandémie au cours de laquelle nous nous sommes fortement appuyés sur la technologie, les gens sont plus que jamais aliénés de leur environnement. Il est difficile de ne pas s’irriter à l’idée que cette immersion va encore s’intensifier, et que tout le monde va s’éloigner de son environnement immédiat encore plus qu’il ne le fait déjà.

Néanmoins, Marr a autant d’idées qui méritent d’être prises en considération que de ratés. Les utilisations potentielles du métavers vont de l’utile à l’absurde.

Une bonne suggestion, par exemple, est de mener des consultations médicales dans le métavers, ce qui vous éviterait le coût et les inconvénients d’une visite chez le médecin dans la réalité. L’achat de biens immobiliers dans les métavers me semble en revanche tout à fait absurde, même si je comprends l’intérêt de voir à quoi ressemblera une maison avant qu’elle ne soit construite.

La RV pourrait réellement dynamiser l’enseignement, qui tend actuellement à favoriser les apprenants qui se souviennent facilement des faits en situation de test, tandis que les étudiants visuels sont mis à l’écart. Les élèves pourront soudainement visiter la Rome antique ou rétrécir pour visiter l’intérieur du corps humain.

À propos de corps humain, les professionnels de la santé pourront bientôt fabriquer un jumeau numérique du vôtre. Ce mannequin sera une représentation fidèle jusqu’au niveau cellulaire, ce qui signifie que les médecins pourront trouver des solutions aux problèmes de santé sans risque.

Une autre caractéristique séduisante de cet internet du futur est la réalité augmentée (RA), qui permet de superposer des images et du texte à votre environnement réel à l’aide de lunettes ou simplement d’un smartphone – pensez à Pokémon GO. Grâce à la réalité augmentée, vous pourrez voir si un canapé convient à votre salon avant de l’acheter.

La notion de Web3 m’a également fait bondir, car elle est porteuse de promesses utopiques. M. Marr estime que la blockchain pourrait déboucher sur un internet plus décentralisé, « par opposition à un internet contrôlé par les entreprises et les gouvernements ».

Une tierce partie ne supervisera pas nécessairement nos transactions. La propriété sera répartie entre les créateurs et les utilisateurs de la blockchain. En théorie, ces tiers pourraient être empêchés de collecter nos données, mais ils ne céderont certainement pas leur territoire sans se battre.

Ce livre, qui tient plus du manuel universitaire que du divertissement, ne se prête pas à une lecture soutenue. Il peut être laborieux et, parfois, un peu répétitif. Il est cependant riche en informations et propose des stratégies aux entreprises qui souhaitent prendre une longueur d’avance sur l’inévitable révolution.

Il n’y aura pas d’arrêt à cet avenir, même si nous le regrettons, alors autant s’y préparer. Marr a beau se montrer optimiste, il n’en reste pas moins qu’il y a une certaine logique dans le fait d’être un adopteur précoce.

Au début des années 2000, souligne-t-il, même certaines grandes marques pensaient pouvoir se passer d’une présence sur les médias sociaux, « alors qu’aujourd’hui, toutes les entreprises y sont ». Plus ces technologies progresseront, moins le luddisme sera viable. L’Internet du futur est une introduction instructive, bien que légèrement aride.

L’Internet du futur : Comment les métavers, le Web 3.0 et la blockchain vont transformer les entreprises et la société, par Bernard Marr, Granta, 33,59 €.

 

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